Enak Gavaggio : “je ne fonctionne qu’à l’amusement et à la prise de risque”

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Nous avons rencontré Enak Gavaggio, né en mai 1976 à Ambilly (Haute-Savoie). Il a trouvé sa place parmi les figures les plus emblématiques du skicross et du freeride français. Coupes du monde, championnats, compétitions… l’homme à la moustache a raflé de nombreuses médailles. Enak Gavaggio a accepté de revenir sur sa carrière professionnelle et de nous parler de ses meilleurs souvenirs de compétition de ski. 

Travelski : Bonjour Enak, pouvez-vous nous parler de vos premières courses en compétition ? 

Enak Gavaggio (E.G.) : Ma première compétition de ski remonte à mes 9 ou 10 ans. Durant cette première année, cela a été très dur pour moi car j’ai commencé le ski avec un temps de retard, environ 3 ou 4 ans après tous les autres de mon ski club. De fait, quand j’ai commencé la compétition, j’avais peur d’être viré à cause de mes résultats moyens…

Heureusement, dès la deuxième année j’ai gagné toutes mes courses et ça se passait vraiment mieux pour moi. En fait, d’une manière générale, j’ai toujours été meilleur en chrono que lors des entraînements.

Au début, je prenais la compétition comme un jeu qui me permettait de me dépasser. J’aimais la sensation de devoir prendre des risques sur un instant « T », de me surpasser et m’engager totalement sur une seule descente. En compétition, il faut tout donner, il faut aller vite pour faire un résultat avec le risque omniprésent de tomber et de rater son passage.

C’était un sentiment grisant, une vraie adrénaline qui me poussait à donner le meilleur de moi-même à ces moments-là. Jusqu’à mes 14 ans, je m’amusais vraiment en compétition. Le départ en lui-même est un moment génial : l’enjeu pour moi était d’arracher le portillon et que je sois le plus longtemps dans les airs. J’adorais faire le show comme ça ! 

Plus grand, après mes 14 ans, j’ai eu quelques blessures qui m’ont fait rater quelques courses importantes, puis je me suis rendu compte qu’il y avait d’autres moyens de s’amuser que ce sport. Les entraînements et les compétitions de ski alpin ne m’attiraient plus et je me suis tourné vers le snowboard ou vers d’autres sports que je trouvais plus « fun ».

Quelques années plus tard, les épreuves en Super G sont arrivées et ça m’a à nouveau énormément plu. C’était une nouvelle discipline, qui demandait beaucoup d’engagements et de prises de risque. En fait, c’est ce qu’il faut pour que ça m’intéresse et que je me lance dans la compétition ! 

Travelski : Qu’est-ce-qui vous motivait particulièrement en compétition ? 

E.G. : Le plaisir ! Je ne fonctionne qu’à l’amusement et à la prise de risque. Ça a été un gros problème dans ma carrière d’ailleurs, car j’ai beaucoup de centres d’intérêt : le base jump, le parapente, le freeride, etc. Je n’ai jamais eu envie de m’enfermer dans une logique de compétition absolue pour une seule discipline.

Je voulais m’amuser à côté et c’est difficilement compatible avec un calendrier de skieur professionnel. Par exemple, j’ai fui pendant longtemps les circuits de coupe du monde parce qu’entre les entraînements et les courses, cela voulait dire faire exclusivement ça. L’autre difficulté sur ces types de circuits, c’est qu’il faut être motivé pour chaque course.

Or, si le tracé ne me plaisait pas ou n’était pas suffisamment marrant, j’avais beaucoup de mal à m’engager pleinement dans la course et je faisais un résultat moyen. C’est un peu ce qui pourrait résumer mon parcours en compétition d’ailleurs : je pouvais très bien gagner une très belle course un jour et la semaine suivante faire un résultat de milieu de tableau voire complètement nul, alors que je partais favori de l’épreuve.

Ca dépendait vraiment du tracé. A l’inverse, je me suis beaucoup investi sur les compétitions aux US, car la plupart des parcours sont géniaux, avec de l’engagement sur chaque partie du parcours. Certains tracés étaient vraiment « rock’n’roll ». 

“L’enjeu pour moi était d’arracher le portillon et que je sois le plus longtemps dans les airs. J’adorais faire le show comme ça ! “

L’autre élément qui me plaisait particulièrement en compétition, c’était de faire le fou ! Ça, ça me motivait bien ! J’adorais tenter des choses impossibles et expérimenter des figures incroyables sur la piste. Quand j’arrivais en bas et que les gens, impressionnés, venaient me demander comment j’avais pu faire telle ou telle chose, ça avait deux fois plus de valeur à mes yeux qu’un podium !

Quelle que soit la discipline, ski cross ou freeride, le plus important pour moi était quand même de réussir quelque chose d’improbable. En freeride par contre, j’ai vite arrêté la compétition parce que je n’apprécie pas les systèmes de classement par des juges.

À mon sens, on ne peut pas être noté de manière impartiale dans ces compétitions. On a toujours une préférence pour tel ou tel skieur qui va influencer la note qu’on va lui donner au final. Du coup, je me suis focalisé sur le ski cross, où on est évalué sur notre chrono. Pour moi, c’est un système de notation plus juste. 

Travelski : Quel est le souvenir le plus marquant de votre carrière ?  

E.G. : Ce sont les Jeux olympiques de Vancouver en 2010 qui m’ont le plus marqué. Ils ont complètement changé ma vision de la France et la signification que j’accordais au fait de représenter ce pays. Je ne suis pas quelqu’un de politique, que ce soit les symboles de la nation, comme le drapeau ou la Marseillaise, je n’étais pas très fan car ce sont des choses qui peuvent facilement être récupérées et mal interprétées ensuite. De fait, je m’habillais très rarement avec la tenue de la Fédération par exemple, parce que je n’aimais pas ce côté très « bleu, blanc, rouge ».

À Vancouver, j’ai été convoqué deux fois par le CIO (Comité international olympique) car je n’avais pas la tenue officielle de l’équipe de France. J’ai même eu un carton jaune à cause de ça. C’est là que Xavier Kuhn, un ami qui faisait aussi partie de l’équipe de France, m’a dit un jour : « Enak, arrête de faire n’importe quoi. On est une équipe donc tu dois mettre la même tenue que moi ».

Je suis donc allé, pour la première fois et pour lui faire plaisir, mettre un jogging de l’équipe de France, avec tous les symboles que je détestais jusque-là : le gros logo France, le coq sur la poitrine, les anneaux olympiques en dessous, etc.

C’est là que j’ai eu ma révélation, en portant cette tenue que tout d’un coup, je me suis senti « surhumain ». J’ai trouvé extraordinaire le fait d’être aux Jeux olympiques (JO) et de me dire que je représentais une nation, c’est-à-dire non seulement tous les gens qui me sont proches, mais également tous les gens qui ne me connaissent pas mais qui vont m’applaudir et m’encourager au nom de leur pays.

Je me suis senti grandi. Depuis les JO, j’ai même posé un sticker bleu, blanc, rouge, sur mon casque ! Finalement je ne suis peut-être pas branché politique, mais je suis quand même hyper fier d’être français ! 

A côté de sa carrière sportive, Enak Gavaggio a mené différents projets, on compte notamment : 

  • la web série Rancho Webshow (8 saisons, 20 épisodes) au côté de ses compères Julien Lizeroux, Martin Fourcade, Edgar Grospiron, Julien Regnier et Seb Michaud ; 
  • il a commenté les épreuves de ski cross aux côtés du journaliste Christian Choupin et d’Alexandre Boyon pour les Jeux olympiques d’hiver à Beijing de 2022
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