Le plein air et les grands espaces de montagne donnent parfois envie de liberté ! Appréhender le hors-piste autorisé est un bon moyen d’assouvir ce désir. Cependant qui dit hors-piste dit poudreuse. Dans ce cas, la technique pour skier s’avère quelque peu différente : équilibre, utilisation des bâtons… autant de données à prendre en compte pour profiter d’un moment d’évasion. Il est recommandé d’avoir un niveau suffisant et de choisir un partenaire accompagnant pour se lancer dans le hors-piste. En outre, la pratique de cette discipline requière un matériel adapté.
Natif des Ménuires, Kevin Guri, sportif de 32 ans, a remporté la coupe du monde de freeride la plus extrême et la plus dangereuse du monde, l’Xtrem de Verbier en 2013. Deux ans plus tard, il met fin à sa carrière de compétiteur en beauté avec une 3e place en Alaska, autre étape mythique du Freeride World Tour.
Kevin a ridé les neiges profondes de tous les continents pour les compétitions, les shooting photos et les films. Il enseigne désormais à l’ESF des Ménuires et est aussi en train de passer son diplôme de pisteur-secouriste. Kevin s’est prêté à l’interview « pédago » pour Travelski. Qui de mieux placé que cet as du freeride pour vous donner son avis, ses meilleurs conseils et des informations pour skier dans la poudreuse ?
Travelski : Comment prendre du plaisir dans la poudreuse ?
Kevin Guri (K.G.) : Il faut d’abord avoir un matériel adapté. De nos jours, on a des skis un peu plus larges en hors-piste que des skis traditionnels qui auront tendance à s’enfoncer en poudreuse. Des skis plus larges évitent cet effet sous-marin, ils flottent au-dessus de la neige, ce qui est deux fois plus agréable et plus facile pour le skieur.
Aujourd’hui, quasiment tous les skis de hors-piste larges ont aussi ce qu’on appelle du rocker, c’est-à-dire une longue spatule qui se lève progressivement de façon à être plus facilement au-dessus de la neige, un peu comme une étrave de bateau. On peut louer ce type de skis en magasin à la journée et ça en vaut la peine les jours de poudreuse.
Je recommanderais une largeur minimum de 95mm au patin, c’est-à-dire la largeur sous la chaussure, mais préférez des skis entre 100 et 105 mm car vous pourrez vous en servir sur toutes neiges et aussi sur la piste.
En hors-piste, équipez-vous toujours avec le matériel de sécurité : DVA (détecteur de Victime en Avalanche), pelle, sonde et sac à dos. Et sachez vous en servir !
Travelski : Une fois qu’on a le bon matériel, comment appréhender le ski de poudreuse ?
K.G. : Il faut déjà partir avec un peu de vitesse afin que les skis passent au-dessus de la neige. Sans vitesse, c’est plus difficile voire impossible de flotter ! Contrairement au ski de piste, il ne faudra pas rentrer dans la poudreuse le corps complètement en avant au risque de planter les skis qui vont s’enfoncer sous la neige. Il ne faut pas non plus se mettre à cul sur l’arrière, ce n’est jamais bon. Il faut trouver un juste milieu pour être à l’aplomb au milieu de ses skis et faire en sorte que les spatules sortent de la neige.
Travelski : En ski de piste on est en général à l’attaque, les tibias poussent sur les languettes des chaussures, pas en poudreuse ?
K.G. : En ski de piste, les tibias poussent sur les languettes des chaussures pour faire agir les skis sur la neige dure, mais en poudreuse, on va plutôt essayer de faire déjauger ses skis pour qu’ils survolent la poudreuse. On va donc essayer de se mettre très légèrement en arrière pour pouvoir avoir cet effet hors-bord comme un bateau qui file sur l’eau.
Travelski : Et les bras, comment doit-on les positionner ?
K.G. : Il faut garder les bras toujours bien devant, le regard et les épaules vers le bas, c’est-à-dire vers l’aval, vers la vallée. La base du ski reste la même en toutes conditions de neige et de terrains, on garde les mêmes positions. En fait, il faut employer les moyens techniques qu’on a sur piste et les retranscrire en hors-piste dans de la neige poudreuse en étant beaucoup plus délicat.
Travelski : Plus délicat, ça veut dire qu’il faut s’alléger sur ses skis ?
K.G. : Ça veut dire être beaucoup plus doux sur la neige ; la neige poudreuse est douce ça ne sert donc à rien d’appuyer comme un bourrin comme on dit chez nous, sinon les skis vont s’enfoncer et vous risquez de tomber.
Travelski : Comment tourner dans la neige profonde ?
K.G. : Prenez un peu de vitesse pour amorcer votre virage, tournez le bassin pour un effet pivot, fléchissez vos jambes et poussez-les à l’intérieur du manteau neigeux pour aller chercher un contre appui, là où le fond du manteau neigeux est plus dur.
Grâce à la largeur des skis et au fond plus dur, ce contre-appui va se transformer en un rebond qui vous permettra d’amorcer le virage suivant. Avec le rebond, relevez-vous pour alléger la pression sur le ski de façon à tourner et ainsi de suite.
Travelski : Il faut donc utiliser le jeu vertical en poudreuse
K.G. : Exactement, en poudreuse, il faut utiliser le mouvement vertical et toujours dissocier les membres du haut du et du bas du corps, comme en ski de piste. Le ski est plus difficile que le snowboard en poudreuse. En ski, il faut gérer deux planches indépendantes sous nos pieds, un pied peut parfois partir à droite, l’autre à gauche…
De plus, la neige profonde aura tendance à retenir les skis, à les empêcher de tourner. C’est pour ça qu’en poudreuse, on a les skis un peu plus serrés que sur la piste, ça aide à pivoter. Le fait de rapprocher les surfaces de flottement donne également plus de portance pour déjauger. Il faut donc que vous resserriez vos skis, sans les coller pour autant !
Travelski : Un hors-piste aux Menuires à recommander ?
K.G. : La Masse, secteur où on trouvera la meilleure neige et le plus de hors-pistes ! La forêt en dessous du télésiège du Rocher Noir est un superbe endroit pas trop éloigné des pistes. Mais n’y aller pas seul, prenez un moniteur ou un guide.
Crédits photos : Ludovic Chauchaix, Nico Lafay